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ma fermière, dans le cantal, s’en contrefout, de la victoire de la france. l’ancien valet de ferme encore plus. un copain, bien français, ce midi même : « j’espère que les croates vont gagner ». tout un pays ? vous êtes sûrs ? vous avez fait un sondage ? ou alors il faut considérer comme sondage les inévitables interviews de supporters à l’encéphalogramme plat. l’espoir ? l’espoir de quoi ? la france gagne, so what ? pour quelle raison est-on censé être contents ? parce qu’on est français ? c’est curieux, les mêmes qui considèrent normalement toute manifestation de nationalisme comme « rance » trouvent ça très bien dès qu’il s’agit de foot. pourquoi être content parce que les joueurs français gagnent ? quel est le contenu de cette joie débordante, de cette hystérie collective ? si on y regarde bien : aucun. il s’agit de s’identifier à un signe collectif, mais ce signe est vide. il ne renvoie qu’à lui-même. a constantinople, il y avait deux grandes factions de supporters de courses de char, les bleus et les verts. c’était d’une telle importance que cela pesait, souvent lourdement, sur la politique de l’empire. pourquoi être bleu ou vert ? pour rien, par la manie de s’identifier à quelque chose, d’être d’un parti, d’un groupe, même si ce groupe n’a pas de contenu ni de sens particulier. c’est la rage panurgique de l’humain. nous, c’est les bleus, comme à constantinople, il y a quinze siècles. les journalistes sont-ils obligés, eux aussi, de s’associer à la manie des factions ? en attendant, réjouissons-nous, hurlons notre joie que c’est nous qu’on a gagnés et qu’on est contents, oleg sentsov est en train de crever pas bien loin des stades russes. lien permanent 14 commentaires le 04 juillet 2018 à 17h13 méditation dans le cézallier tweet le ciel d’un bleu si profond qu’on y perçoit le noir. le dôme du volcan, là-bas, qui domine tout de sa masse, dont les courbes lentes semblent se diffuser dans le paysage, lui donner forme, se poursuivre en lui. il est partout et nulle part. ici et là, il s’effondre secrètement, on ne mesure pas la profondeur des gorges envahies de forêt que creusent les rivières qui naissent de lui, dont les sources ont la forme d’étangs ou de marécages. le sentier monte doucement depuis le village, traverse un bois et puis se perd, comme tout se perd, dans la grande steppe. a présent, tout s’épure, tout se simplifie, plus de maisons, plus de champs, plus d’arbres, plus de cet encombrements des choses de la civilisation ou de la nature ordinaire, seule l’herbe, l’herbe dans toutes ses nuances, celle qui demeure en hiver, dans les plis d’ombre, brune ou jaune, celle qui signale le début du printemps, d’un vert acide, fluorescent, et celle, d’un vert plus sombre, qui décèle les sagnes. en mai, il est trop tôt pour que les bêtes montent à l’estive. dans quelques semaines, le grand plateau se peuplera d’aubrac, de salers, d’un fourmillement illimité de vaches en quasi liberté. mais il est encore vide. seule présences vivantes, le milan qui plane très haut au-dessus de ma tête, le renard qui déboule d’un creux à quelques pas devant moi. les talus sont encore encombrés de congères, et à l’horizon, la ligne crénelée des monts du cantal est blanche. c’est un pays qui n’émerge que peu de temps de son interminable hiver. en octobre, le plateau se videra, puis la neige recouvrira tout, amuïra ces formes déjà assourdies, donnera figure au grand silence. on n’entend rien, qu’un fond de vent qui semble murmurer à l’intérieur de soi. où que l’on regarde, sur des kilomètres, pas un homme, pas même une trace humaine, ou si, peut-être, là-bas, la silhouette d’un buron si vieux, si solidaire de la terre qu’on peine à l’en distinguer. et, plus imperceptiblement, il faut le savoir ce que c’est pour parvenir à les voir, ces creux, ces espèces de vieux trous d’obus qu’on appelle tras, abris creusés par les bergers à même la terre, et qu’ils recouvraient de branches, avant qu’il y ait des burons. ici, c’est chez moi. c’est là qu’ils ont vécu, tous les vieux morts, dont la trace s’est gardée dans les amas poussiéreux de contrats de mariage, de vieux actes de vente qui remontent au xviiie siècle et que la maison a conservés. chez moi par la lignée, chez moi par un sentiment d’appartenance intime, de mutuelle reconnaissance entre la terre et moi. et je suis conscient du caractère complètement obsolète d’un tel sentiment, à tel point que le seul fait de le formuler vous fait sentir un peu idiot, un peu suranné. mais, curieusement, ce sentiment d’appartenance si fort qu’il me fait battre le cœur lorsque je revois la terre, comme on revoit une amoureuse qui attendait votre retour, est aussi un sentiment de dépossession. c’est ce que cette terre m’a appris, c’est le don qu’elle m’a fait, et que j’ai mis de longues années à comprendre. la terre, cette terre-là, sans concessions, dure et dépouillée, n’initie pas seulement à la beauté. elle vous apprend comment la beauté peut advenir, et surtout, puisqu’elle est la terre, le dehors, la sauvagerie, elle vous apprend que la beauté n’est pas un don. elle n’est pas là . et c’est le paradoxe de ce qu’il faut parvenir à entendre en elle : c’est lorsque nous pensons y être, là, dans la terre, que nous n’y sommes pas. non qu’il y ait des arrière-mondes, des au-delà, un ciel des idées. rien de tout cela. mais au cœur même de ce qui semble donné, dans l’abondance de l’espace et le déploiement des formes, nous ne pouvons trouver qu’une exigence.